Pour info et non des moindres !

Pour la Cour de Cassation, dans un arrêt rendu le 14 juin 2022, participer à une manifestation non déclarée n’est pas une infraction. (voir décision)

Cet arrêt est d’autant plus important que depuis des années, sous des prétextes sécuritaires, puis sanitaires, les atteintes au droit de manifester sont de plus en plus nombreuses : du détournement de l’état d’urgence en 2015 aux assignations à résidence de certains militants en passant par un usage souvent disproportionné et arbitraire de la force, contre des manifestants mais aussi des journalistes.

Le droit de manifester est corrollé au droit d’expression collective des idées et des opinions, il constitue une liberté fondamentale. Depuis des années, ce droit est considérablement mis à mal au point tel que manifester pacifiquement pour exprimer son désaccord avec les politiques publiques et les pratiques de l’État, mais aussi pour lutter contre l’injustice et exiger le respect des droits humains est devenu dangereux.

Les forces de l’ordre et le ministère public ont instrumentalisé le droit pénal et se sont appuyés sur des lois très générales pour arrêter et poursuivre des milliers de
manifestant·e·s qui n’avaient commis aucun acte violent, mais se sont retrouvé·e·s pris·es dans le dédale du système judiciaire. (Cf rapport amnesty International)

A l’origine de l’arrêt de la Cour de Cassation :

Le 23 mai 2020 au début du déconfinement, une manifestation se prépare pour la défense du service public, et les membres de la "Chorale révolutionnaire" de Metz décident de répéter en centre-ville. "En petits groupes pour être moins de dix, distants entre chanteurs d’1,50 mètre à deux mètres, et masqués", précise Xavier Phan Dinh, membre de la formation. La quinzaine de chanteurs n’a pas vraiment le temps de donner de la voix : tous sont rapidement verbalisés par la police, au nom d’un arrêté pris la veille par le préfet, interdisant tout regroupement sur la voie publique.

Décidés à défendre "un droit fondamental, celui de s’exprimer, certes en chantant, et surtout le droit de manifester", le choriste et sept de ses camarades décident de contester ces amendes, dans un premier temps devant le tribunal de police, dédié aux affaires donnant lieu à des contraventions. Divisés en trois groupes et donc confrontés à trois juges différents, les choristes voient tous leurs amendes confirmées par le tribunal, au motif de leur participation à une manifestation non déclarée.

Convaincus de la nécessité de défendre le droit de manifester, avec l’aide et le soutien de syndicats et de la Ligue des Droits de l’Homme, ils se pourvoient en cassation.

Le 14 juin 2022, l’arrêt rendu par la Cour de Cassation est très clair : Le fait de participer à une manifestation non déclarée n’est pas une infraction. Ni l’article R. 610-5 du code pénal, ni aucune autre disposition légale ou réglementaire n’incrimine le seul fait de participer à une manifestation non déclarée. Principe fondateur de notre droit pénal, il n’y a pas d’infraction sans texte…

Donc, à retenir !!! : S’il est interdit de participer à une manifestation interdite, s’il est également interdit d’organiser une manifestation non déclarée, en revanche, il n’est pas interdit de participer à une manifestation non déclarée…

Ou l’on constate que les actions en justice peuvent parfois, bien plus que toute forme d’interpellation des pouvoirs publics, contribuer au moins au respect des droits et au mieux au renforcement de ces droits …Ou l’on ne rappellera jamais assez que le juge judiciaire est le garant des libertés individuelles. Alors que depuis plusieurs années, les réformes ou projets de réformes visent à écarter le juge judiciaire au profit du juge administratif, voire de l’autorité administrative, la Cour de Cassation, en application de l’article 66 de la Constitution, vient de le rappeler on ne peut plus clairement.

Ouf !!! Pourvu que ça dure