Dans une décision datée du 19 mars 2013 (décision n°12-11690), la chambre sociale de la Cour de cassation a en effet considéré que le respect des principes de neutralité et de laïcité du service public ne se limitait pas aux personnes morales de droit public (comme l’Etat, les collectivités publiques, les établissements publics administratifs par exemple) mais s’étendait à toute personne morale de droit privé assumant une mission de service public.

Dans les faits, une caisse d’assurance maladie avait introduit dans son règlement intérieur une clause interdisant "le port de vêtements ou d’accessoires positionnant clairement un agent comme représentant d’un groupe, une ethnie, une religion, une obédience politique ou quelque croyance que se soit", et notamment "le port d’un voile islamique, même sous forme de bonnet". Malgré cette prescription, une salariée refusa à plusieurs reprises de retirer son voile, manifestant ainsi sa confession. Suite à quoi cette dernière fut licenciée.
Pour contester ce licenciement, la salariée souligna le fait qu’étant employée par une personne morale de droit privé, ne lui été pas reconnue la qualité d’agent de l’Etat, si bien que ces principes ne pouvaient lui être opposés sans que cela ne constitue une atteinte portée à l’exercice de sa liberté de conscience.
En effet, il est établi que lorsqu’une personne morale de droit privé gère un service public, les contrats passés par cette dernière avec d’autres partenaires privés sont des contrats de droit privé, faute de personne publique au contrat. Principe auquel ne dérogent les contrats de travail.

A quoi la Cour d’appel puis la Cour de cassation répondirent que, malgré leur statut de salarié privé relevant des dispositions du Code du travail, les salariés d’un organisme de droit privé participant à une mission de service public sont de fait soumis à certaines contraintes spécifiques et notamment, au respect du principe de neutralité et de laïcité. Le règlement intérieur de la caisse - parce que celle-ci assurait une activité de prestations auprès des assurés sociaux - pouvait alors mettre en oeuvre le principe de laïcité et assurer aux yeux des usagers la neutralité du service public".

Mais que faut-il entendre par neutralité et laïcité du service public ? Cette question fut principalement tranchée à propos des agents de l’Education Nationale avant d’être étendue à l’ensemble des agents publics.

Dans un avis du 3 mai 2000 (Demoiselle Marteau), le Conseil d’Etat résuma la chose ainsi : tout agent public bénéficie de la liberté de conscience en tant qu’elle constitue une liberté fondamentale.

Il ne peut par conséquent :

1) Subir de discrimination en raison de son appartenance à une religion, un parti, une ethnie etc. ;

2) Etre écarté de la fonction publique sur la seule considération de ses croyances ;

3) Etre licencié en raison de ces mêmes croyances.

Néanmoins, puisqu’il revient à la République d’assurer l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de religion, il appartient à l’Administration d’en présenter les apparences. C’est pourquoi malgré cette liberté de conscience qui lui est reconnue, un agent de la fonction publique ne pourra manifester sa conviction religieuse dans le cadre du service, que se soit par le port de signes religieux ou par la mise en oeuvre de certaines traditions.